Paris, ville d’accueil, Paris ville d’écueil …
Le 31 mai 2016, Anne Hidalgo, maire de Paris annonçait, lors d’une conférence de presse, l’ouverture d’un camp de réfugié aux « normes humanitaires ». Son ouverture serait prévue pour mi-octobre. Il ne serait destiné qu’aux hommes majeurs primo-arrivants. Il lui serait adjoint une bulle d’accueil destinée à accueillir, orienter mais surtout enregistrer, toute personne migrante s’y présentant. Un autre centre est prévu pour les personnes vulnérables (familles, mineurs et femmes enceintes) d’ici fin Décembre; en attendant les personnes vulnérables seront dans la rue au vu de la défaillance des systèmes censés les prendre en charge.
Or si nous voulons voir un signe, certes faible, d’une prise de conscience des pouvoirs publics de la situation des migrants parisiens, nous ne pouvons qu’exprimer nos doutes et nos inquiétudes quant à la réalisation de celui-ci.
En effet, alors que la Maire de Paris annonçait à la presse l’adresse et le plan de ce camp le 6 septembre, la préfecture de police de Paris raflait les demandeurs d’asile avenue de Flandres dans le 19e arrondissement de Paris. Cette situation est symptomatique de ce qui se déroule à Paris depuis deux ans, la Mairie s’agite, la Préfecture frappe, les migrants trinquent.
Autre sujet d’inquiétude, si ce camp vise à réduire les installations de rue, les 400 places prévues, ne correspondent en rien au nombre de places d’hébergement nécessaires afin de répondre aux attentes des migrants qui vivent actuellement sur les trottoirs de la capitale. Pourquoi, avoir dès le départ sous-dimensionné ce projet, si celui-ci avait pour réel but de mettre fin au campement de rue ?
Quant à l’installation même de ce camp sur un terrain appartenant la SNCF et devant dans deux ans servir à la construction du projet Condorcet, nous ne pouvons que nous étonner que la Mairie n’ait pas réfléchi à la construction d’un véritable centre d’accueil pérenne sur Paris, mais se soit contenté d’une solution temporaire sans engagement sur la durée. De plus, le caractère modulable de ce projet est vanté par la Mairie de Paris, mais quelles sont les perspectives à long terme et est ce que « l’après » est déjà pensé?
Sur le fonctionnement du centre en tant que tel, celui-ci n’accueillera que les primo-arrivants. Quid de la définition de ce terme ? Cette question à été posée lors de la réunion publique du 13 Septembre, Emmaüs a répondu que « toutes les personnes voulant demander l’asile bénéficieront de ce camp ». Réponse vague. Les personnes ayant déjà commencé leurs démarches, et en attente de réponse, les déboutés, les personnes sous procédures Dublin seront-elles laissées à la rue ?
De plus, les personnes ne seraient hébergées dans ce « centre » que trois à dix jours maximum. Aucune équipe de juriste n’est prévue pour orienter et aider les migrants à accomplir leur démarche en vue d’obtenir leurs papiers. Les demandeurs d’asile seront ensuite envoyés majoritairement vers des Centre d’Accueil et d’Orientation en province. Or, nous ne pouvons être qu’inquiets pour les personnes placées sous règlement Dublin qui se trouveraient dans ce dispositif, car certaines préfectures n’ont aucun scrupule à les déporter vers des pays tels que la Hongrie ou la Bulgarie, pays dans lesquels ils ont été forcés de déposer leurs empreintes.
Les migrants seront donc orientés vers des places d’hébergement, qui seront très vite saturées au vu de la non ouverture de place pérenne. Nous doutons de la capacité de l’État à offrir des places d’hébergement dignes, ainsi qu’un risque d’orientations imposées, subies et mal informées, dont on sait qu’elles peuvent provoquer des retours à la rue.
Enfin, alors que la Maire de Paris s’était engagée à ce qu’il n’y ait aucun contrôle de l’Etat sur les migrants accueillis dans ce camp, qu’elle ne fut pas notre surprise de découvrir, que des personnels de l’OFII (Office Français de l’Immigration et de l’Intégration) seraient chargés d’informer les migrants « de leurs droits et de leurs obligation » et notamment « des règles de l’asile, du séjour et de l’aide au retour ». Ils seront chargés d’accompagner les personnes « accueillies dans leurs démarches administratives ». Nous refusons que ce camp dit « humanitaire » devienne un centre de tri entre bons et mauvais migrants.