Si elle ne constitue pas une surprise à ce stade de la vie politique française, l’affiche du second tour de l’élection présidentielle a de quoi inquiéter quiconque se préoccupe des conditions d’accueil des migrant·e·s en France. D’abord par le place disproportionnée que prennent une fois encore les questions d’asile et de migration dans les thèmes de campagne et les programmes des candidats. Ce scénario dans lequel l’extrême-droite xénophobe impose son tempo s’invite désormais à chaque échéance électorale majeure.
Nul ne peut le nier, le quinquennat qui s’achève a vu se multiplier les entraves au droit d’asile et les traitements indignes envers les migrants, de Briançon à Calais en passant par les campements de la région parisienne et les centres de rétention, attentatoires aux libertés, répartis sur tout le territoire. Il a été marqué, en 2018, par le vote de la loi Collomb allongeant à quatre-vingt-dix jours la durée maximale de rétention administrative des étrangers sans titre puis, en 2019, par l’instauration d’un délai de carence pour bénéficier de l’Aide médicale de l’État (AME), seule voie d’accès aux soins pour les personnes en situation irrégulière.
Au moment de briguer un second mandat, Emmanuel Macron affiche dans son programme la volonté de mettre en œuvre une politique plus restrictive en matière de droit d’asile, prévoyant notamment que tout demandeur dont la requête est rejetée reçoive automatiquement une « obligation de quitter le territoire français ». Il souhaite également réduire les lourdeurs des procédures administratives, ce qui signifie en clair un traitement plus expéditif des voies de recours. Quand on connaît la détresse des exilés face à la violence que représentent pour eux les décisions de rejet, souvent suspendues à la rédaction imprécise d’un récit de vie ou aux erreurs d’un traducteur insuffisamment qualifié, on ne peut qu’être atterré devant l’instrumentalisation qui est faite de ces situations douloureuses pour séduire des électeurs sensibles aux sirènes de l’extrême droite.
De son côté, la candidate du RN aligne sans surprise les propositions les plus radicales pour restreindre le droit au séjour : impossibilité de déposer une demande d’asile en France, les dossiers devant obligatoirement être présentés dans un consulat ou une ambassade à l’étranger avec tous les obstacles qu’on imagine ; interdiction des régularisations et expulsion immédiate des personnes en situation irrégulière ; pénalisation du séjour irrégulier ; renvoi des étrangers restés sans travail depuis un an. La liste est longue et non exhaustive.
Alors, peste ou choléra ? Et à la clé, abstention ou bulletin blanc ? Le BAAM n’est affilié à aucun parti politique et s’abstient par conséquent de donner des consignes de vote. Il n’a cessé de dénoncer la dégradation des conditions d’accueil des migrants en France durant la présidence d’Emmanuel Macron et, en cas de réélection, poursuivra sa lutte contre les nouvelles atteintes au droit d’asile prévues dans son programme. Cependant, l’accession de Marine Le Pen à la présidence de la République ferait peser des menaces d’une exceptionnelle gravité.
La candidate promet en effet, outre les mesures déjà citées, une attaque en règle contre l’acquisition de la nationalité française par le droit du sol ou le mariage, ainsi que la mise en place de traitements discriminatoires envers les étrangers, y compris ceux qui sont en situation régulière, pour l’accès aux prestations sociales, à l’emploi ou logement. D’après certaines estimations, cela pourrait entrainer l’expulsion de plus d’un million d’étrangers, toutes catégories confondues, des logements sociaux qu’ils occupent actuellement. Sous couvert de restaurer une identité française fantasmée, cette politique constituerait en réalité une rupture sans précédent avec le principe d’égalité qui est au cœur même des valeurs républicaines de notre pays. Consciente du risque que cette « priorité nationale » ne soit pas votée par le Parlement, ou qu’elle soit invalidée par le Conseil constitutionnel, Marine Le Pen franchit une ligne rouge supplémentaire en prévoyant un recours au référendum selon l’article 11 de la Constitution (sans vote préalable des deux chambres du Parlement), dont une majorité de juristes s’accordent à dire qu’il serait inconstitutionnel.
Il faut pour finir rappeler cette évidence : s’il peut y avoir des votes blancs, il n’y aura pas d’élection blanche. Au soir du 24 avril, l’un des deux candidats sera élu pour présider aux destinées de la France durant les cinq prochaines années. Et s’il s’agit de Marine Le Pen, les conséquences pour les exilés et, au-delà, pour tous les étrangers vivant sur notre sol, seront dévastatrices. Le BAAM appelle donc chacun et chacune d’entre nous à en tirer les conséquences au moment de faire son choix de citoyen·ne.